Sommaire

Le syndicalisme vivant :

L'actualité de la Charte d'Amiens

1906 - 1956 - Pierre Monatte - La "Charte d'Amiens" - Le congrès d'Amiens - I - 1906 économique - II - 1906 politique - III - La C.G.T. de 1906 - IV - La Charte d'Amiens - V - Le procès du syndicalisme révolutionnaire - Post-scriptum - Déclaration de l'Union des syndicalistes (4 octobre 1956).

DÉCLARATION DE L'UNION DES SYNDICALISTES,

L'existence de plusieurs confédérations syndicales en Ft'ance et la présence de leurs délégués dans un grand nombre d'orgonismes officiels ne peuvent dissimuler l'absence quasi totale du mouvement syndical ouvrier dons le fonctionnement du système économique et social.

Des main-mises politiques ou d'Etat, un conformisme endormeur, des influences économiques extérieures à la classe ouvrière, un déséquilibre permonent entre les affirmations verbales et les comportements de fait, une dispersion tragique des efforts, font que les confédérations syndicales. ne jouent qu'un rôle réduit dons le développement de 10 société et que leurs activités ne sont jamais motrices.

En fait, il n'existe plus en France de pensée syndicaliste, et l'action des syndicats (souf celle de la CGT, asservie et utilisée .par le parti communiste, lui-même obéissant aux besoins politiques et stratégiques de l'URSS) n'est nulle' part pensée, ni en fonction d'une perspective sociale, ni por rapport au trésor des expériences ouvrières passées, ni enfin en tenant compte de 10 nécessaire évolution des méthodes.

C'est .pour répondre au besoin, ouvertement exprimé ou possivement ressenti, d'un renouveau du syndicalisme et de la définitian dans les faits d'une volanté de puissance syndicaliste, que des groupes de militants, de toutes carparations, de Paris et de province, appartenant à des centrales différentes, ont décidé d'associer leurs efforts dans une UNION DES SYNDICALISTES.

***

L'UNION DES SYNDICALISTES rassemble les militants ouvriers, salariés et syndiqués, conscients de l'importance déterminante que peut revêtir l'action syndicale pour l'orientation des transformations sociales, et décidés à œuvrer paur que l'organisation, le comportement et les réalisations des syndicats ouvriers interviennent de façan décisive dans la construction d'une société sans classes et sans privilèges.

De l'examen des données actuelles de la société, les membres de l'UNION DES SYNDICALISTES concluent :

que l'évolution sociole vers la plus grande liberté et la plus grande égalité ne peut être attendue du développement d'économies concurrentielles, non plus que du fonctionnement de systèmes nationalistes ou impérialistes, ou encore des pouvoirs d'Etat et de la nouvelle classe qui en bénéficie, la technocratie.

Sur la base d'un siècle d'expériences et de luttes ouvrières, les membres de l'UNION DES SYNDICALISTES constatent :

- que le rôle des syndicats ouvriers peut et doit devenir déterminant dans la succession à la décomposition d'es économies libérales et dans l'opposition aux économies d'Etat, en suscitant des formes nouvelles de production et de distribution, conformes à une démocratie -authentique et réelle, dépassant la seule démocratie d'opinion ;

- que la volonté auvrière s'exprimant sous la forme syndicale n'a de chance de s'imposer, en conservant et sa puissance de combat et l'originalité de ses buts - qu'en demeurant étrangè·re aux influences du patronat, des partis, des gouvernements et des Etats.

Organes essentiels de la classe ouvrière consciente de sa sujétion .présente et de son émancipation possible, les syndicats ne peuvent remplir pleinement leurs tâches, défensives, revendicotives, ou gestionnaires, que si l'esprit de secte, de porti ou de privilège en est banni.

De même, le caractère fraternel et libertaire des syndicats, qui nous font préférer ceux-ci àtoûte autre forme d'organisatian et d'action sociales,· ne peut être sauvegardé que si dans leur propre fonctionnement sont éliminés les tares et les dangers de la société de classe qu'ils combattent et veulent transformer : l'égoïsme individuel, l'esprit de caste, la bureaucratie.

**

Les militants de l'UNION DES SYNDICALISTES sont convaincus

_ que la rapide transformation des techniques, le développement des appareils d'Etat, les luttes pôur l'hégémonie mondiole, les mouvements d'émancipction des populations sous tutelle, posent des problèmes nouveaux que la classe ouvrière organisée syndicalement se doit d'affronter et de résoud're ·si elle ne veut pas être réduite à un simple élément de sta:' tistique économique ou militaire ;

_ que ces mêmes phénomènes, qui bouleversent et rendent absurdes les anciennes formes d'oppres~ sion ou d'exploitation, peuvent offrir à une clQsse ouvrière lucide et entreprenante des possibilités d'intervention dans 10 conduite des événements, et d'émancipation ;

_ que la connaissance des conditions réelles de la production, de la distribution et des échanges, ainsi que l'étude des situations tant nationales qu'internationales, sont indispensables pour permettre aux syndicats d'agir comme candidats audacieux à la succession des systèmes de privilèges. et d'employer leurs efforts avec un maximum d'efficacité.

* **

Conscients de l'actuelle faiblesse du mouvement syndical frança,is, les militants de l'UNION DES SYNDICALISTES s'engagent :

_ à rechercher les voies et moyens d'une vé·ritable politique syndicale ouvrière ;
_ à reconstituer une force syndicale ouvrière aut.hentique, dégOlgée des patriotismes de centrale et déterminée exclusivement par les travailleurs euxmêmes;
_ à tenter et à favoriser toutes les initiatives d'étude et d'action ouvrières, sur la base de l'entreprise, de l'industrie, du service, de la localité et de la région, pour rebâtir un mouvement syndical conscient et entreprenant .

Dans ces but·s, l'UNION DES SYNDICALISTES décide:

_ de créer entre militants acceptant ces considérations et ces perspectives, et sœns distinction d'affiliation syndicale, des cercles syndicalistes dont les tâches essentielles seront d'étudier les problèmes sociaux actuels, de rechercher les solutions ouvrières qui peuvent y répondre, d'e défendre et de rechercher l'application pratique de ces solutions, ou sein des organisations syndicales ;

_ de faire connaître ces travaux et ces e·xpériences par voie de presse, par des éditions, par des réunions d'information;

_ d'élargir cette oction au domaine international, de façon à ce que la puissance syndicale ouvrière se manifeste non seulement par un internationalisme formel et limité auX souhaits, mais par des interventions concrètes modifiant des situatians de fait, par la coordination des efforts des mouvements syndicaux intéressés, et notamment en soutenant les organisations de travailleurs en lutte conhe "oppression colonialiste et en monifestant une solidarité active du mouvement syndical international parmi les populations laborieuses bôillonnées et emprisonnées par les totalitarismes et les dictatures militaires.

Paris, 4 octobre 1956.

Haut de page