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Textes parus dans la Révolution Prolétarienne

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2° trimestre 1986

4° trimestre 1985

Décembre 1964

Janvier 1950

Préface à la brochure: "Présence du syndicalisme Libertaire" de Louis Mercier.

Quelques textes parus dans la Révolution Prolétarienne

sous la signature de Roger Hagnauer…

LE CONGRÈS D'AMIENS

Nous publions ci-dessous de larges extraits de l'article de Pierre Monatte sur le Congrès d'Amiens paru dans les Temps Nouveaux, en 1906.

Jeune militant anarchiste et syndicaliste, âgé de 25 ans, Monatte avaitdéjd un passé riche. En cette même année de 1906 .• il avait relaté la terrible catastmphe de Courrières où plus de 1.000 mineurs furent tués, il avait participé à l'agitation autour de la grève des mineurs du Pas-de-Calais, et impliqué dans le fameux complot· « anarcho-bonapartiste » (! ?) moÙté par Clemenceau, il avait passé plusieurs semaines au droit commun dans la prison de Béthune. Il avait été témoin des luttes entre le vieux syndicat des Mineurs (mené par le député Basly) et le jeune syndicat révolutionnaire de Broutchoux.

On avait prévu - assez généralement - que ce congrès serait passionné, que la lutte des idées y serait violente. Il n'en a rien été. La discussion a été loin d'atteindre le degré d'ardeur auquel on s'attendait ; certes, elle a été parfois vive ; il Y a eu opposition tranchante des deux manières de concevoir le syndicat. Mais il manquait à ces deux conceptions d'avoir une force à peu près égale, il manquait aux partisans de la proposition du Textile cette confiance qu'au cours de la discussion ils pourraient conquérir la majorité du congrès, de même· qu'il manquait aux syndicalistes le sentiment qu'ils avaient devant eux et contre eux un adversaire sérieux et redoutable. Il n'est pas besoin de grands efiorts pour enfoncer une porte ouverte. Aussi l'on peut dire qu'il n'y a pas eu grand-peine à écraser ces pauvres guesdites du Nord. D'autant plus qu'ils avaient, par leur simple laçon de discuter, déjà créé dès l'exposé de leur pensée un fort courant d'hostilité contre leur esprit, qui venait s'ajouter à l'hostilité, cependant sufIisante, qui accueillait leur proposition.

L'effort considérable déployé par la fraction guesdiste pour constituer au moins une forte minorité en faveur des rapports avec le parti a donné le plus misérable résultat. C'est en vain que le citoyen Cachin (1) a parcouru, en sa qualité de secretaÜ;e du parti socialiste, la moitié de la France. En vain aussi que les députés Ghesquière (1), Betoulle (1) et Wilm (1) ont voyagé beaucoup. Le mot d'ordre, socialiste (2), lancé de tous côtés, n'aura pas eu d'autre résultat que de montrer la vérité de cette affirmation que nous avions faite ici : que les militants ouvriers socialistes ne sont pas, dans notre pays, de tempérament à obéir au doigt et à l'œil des dirigeants socialistes. Et il y a là, ma foi, dans cette marque indiscutable d'esprit d'indépendance une constatation profondément agréable, pour tous les révolutionnaires véritables.
L'on pouvait, dès lundi, dans cette première journée du congrès employée à la vérification des mandats, se rendre compte, par les échanges de vues avec les délégués de province, que la proposition du Textile serait écrasée. La province est trop souvent· une énigme. Nous prévoyions bien qu'elle serait dans une forte majorité défavorable au rapprochement et aux rapports avec le parti.
Mais ce n'était surtout qU'une forte impression.
La voix de la province, qui se fait si rarement entendre ou à qui notre centralisme permet si rarement de s'exprimer, ·n'avait pas été entendue claire et nette comme à cette p;:-i,mlere journée de congrès. Pour tous, c'était le mandat
ferme de s'en tenir à l'autonomie présente, au syndicat, organisme de lutte quotidienne et de transformation sociale. Naturellement, les guesdistes étaient déçus : ignorants jusqu'à ce jour de l'esprit des syndicats pour la bonne raison qu'ils n'ont jamais été mêlés à leur vie générale et à leurs efforts, ils avaient cru pouvoir manœuvrer dans ce milieu comme dans un congrès du parti. Ils apercevaient avec une stupeur douloureuse que leurs camarades socialistes, loin de venir grossir leur petit noyau, étaient aussi résolus que les syndicalistes, étiquetés à tort ou à raison anarchistes, à repousser toute tentative de subordination du syndicat au groupe électoral. C'est que maintenant, il n'est guère de coin de province qui, depUis que le socialisme est entré dans les ministères et à la vice-présidence de la Chambre (3), n'ait eu son candidat socialiste, et ce candidat qui a si souvent ses grandes et ses petites entrées à la préfecture et à la sous-préfecture étonne un peu, sinon beaucoup, le militant socialiste ouvrier qui croit à la lutte de classes et qui, jusqu'ici, était plutôt considéré comme un criminel et comme un fou. Les ouvriers socialistes clairvoyants n'en reviennent pas de s'être vus subitement tant d'amis dévoués dans la classe bourgeoise et dans les milieux administratifs au lendemain de la participation effective et occulte de chefs socialistes au gouvernement. Plus exactement, ils sont ··revenus de leur étonnement ; ils voient à peu près clair aujourd'hui. Espérons qU'un bon ministère, où Viviani (3) apportera son coup de main socialiste à Briand et à Clemenceau,
les aidera à voir complètement clair. .
Ils furent un peu étonnés quand, à propos de l'ordre du jour de flétrissure visant « Le Réveil du Nord » (4), ils virent le citoyen Inghels, de Lille, demander les circonstances atténuantes en faveur de ce journal.
Pas une voix, autre que celle des guesdistes, ne s'éleva pour défendre « Le Réveil du Nord ». Les syndicaux réformistes s'associèrent à la mesure de justice ouvrière prise à l'immense majorité du congrès contre un homme et contre un journal pour qui la diffamation la plus outrageante constitue un aliment courant de polémique.
Le congrès d'Amiens a été moins passionné qu'on ne l'espérait. On pouvait encore, au début· du congrès, croire cependant à la réédition du corps à corps - oh ! théorique - de Bourges.
(1) Il s'agit bien du Cachin que nous connaissons, pius tard conseiller municipal puis député de Paris. Ghesquière était député du Nord. Betoulle, de la Haute-Vienne, Wilm de la Seine. Celui-ci, demeuré ami de Briand, fut exclu du Parti, avant 1914.
(2) Le mot d'ordre était surtout lancé par les guesdistes. L'unité socialiste n'était réalisée que depuis 1905.
(3) En fait le Parti socialiste depuis 1905 s'était prononcé contre la participation ministérielle. Monatte fait allusion à la période du Bloc des Gauches de 1899 à 1905, où l'on vit Millerand, alors socialiste indépendant, entrer dans le gouvernement Waideck-Rousseau et Jaurès élu vice-président de la Chambre. Le Bloc des Gauches n'existait plus. Mais deux socialistes indépendants. Briand et Viviani (qUi firent une brlllante carrière) étaient ministres. Viviani fut lé premier ministre du Travail.
(4) « Le Réveil du Nord », journal socialiste, avait violemment attaqué les syndicalistes révolutionnaires, lors de la grève des Mineurs. Son représentant fut exclu du congrès.

A propos du rapport confédéral, Keufer (5) venait' accomplir l'austère devoir de reprocher au Comité confédéral la décision de ne pas participer à la comérence organisée à Amsterdam, en 1905, par le Secrétariat syndical international.
La C.G.T., en qualité d'organisation nationale affiliée au Secrétariat international, avait demandé l'inscription à l'ordre du jour de la conférence des centres syndicaux de trois questions : la. journée de 8 heures, l'antimilitarisme, la grève générale ; la C.G.T. avait fait de la mise en discussion de ces questions la condition formelle de sa présence. Elle n'assista pas à la conférence d'Amsterdam. C'est contre quoi Keufer s'élevait, reprochant au syndicalisme français de se mettre ,hors de la famille mondiale ouvrière.
Griffuelhes (6) lui répondit en retraçant les travaux insignifiants accomplis par les deux conférances précédentes, celle de Stuttgart et de
Dublin. '
Le congrès fit sienne une motion DelesallePouget, invitant la C.G.T. à poser de nouveau ces questions aux organisations syndicales étrangères, dût-on, pour le faire, passer par-dessus la tête du Bureau international.
L'examen des critiques élevées contre les rapports confédéraux terminé, et ces rapports approuvés par de puissantes majorités, le congrès avait à aborder son interminable ordre du jour. Deux questions de suite en étaient détachées comme méritant une discussion particulièrement profonde : celle des l'apports avec le parti ; puis l'antimilitarisme. Cette dernière devait malheureusement ne pas être discutée, la proposition du Textile ayant accaparé la plus grosse partie du temps du congrès.
Enfin on discute la proposition du Textile !
C'est Renard, le secrétaire de la Fédération, qui l'expose. Il le fait avec une habileté, avec une maîtrise inattendues. La proposition n'est que douceur, les coins en sont rognés.
Il commence par esquisser à. traits légers sa conception du syndicat : pas d'antimilitarisme, ni d'antipatriotisme, qui sont de la politique.
« Le syndicat n'est pas autre chose que ce que la loi a voulu qu'il fût ; un organe qui doit défendre les salaires, la dignité des travaillems, les conditions de vie, etc... »
Cette bonne petite impasse syndicale ne peut naturellement être de quelque utilité que si elle s'appuie sur une législation sociale défendue devant les parlements par le parti socialiste. D'où nécessité indispensable de marcher la main dans la main avec l'action politique.
D'ailleurs voyez la région du Nord et admirez les résultats obtenus par la méthode que nous vous demandons d'adopter. Nous sommes dans le Nord 315 syndicats, 76.000 syndiqués, 300 groupes, nous avons de nombreux conseillers municipaux, 8 députés et 105.000 électeurs.
Prenez notre méthode, et d'ici peu vous connaîtrez les mêmes splendeurs. Vous aurez vous aussî vos cathédrales.
Notre camarade Dooghe, le premier, donne un coup de pied dans la cathédrale du Nord. Il s'attache particulièrement à montrer que nulle part plus que dans le Nord et dans le Textile on a oublié de donner à la classe ouvrière cette foi dans sa force, dans son rôle, qui est indispensable non seulement pour les luttes décisîves et dernières, mais pour l'effort quotidien. Il montre avec vigueur que tout ce qui n'exerce pas l'initiative ouvrière est funeste au prolétariat.
Or, qu'a fait le Nord à ce point de vue ? La cathédrale n'a connu que des dévots et non des croyants.
Dooghe demande en outre, au congrès, ce que devront faire les organisations de la Fédération du Textile qui ne veulent pas de l'entente avec le parti, décidée au congrès lédéral de Tourcoing.
Puis vint le grand, le long discours de Niel (7), si vastes que les quelques bonnes choses qui s'y trouvent y sont totalement perdues.
D'ailleurs ces bonnes choses sont minimes ; eUes ne sont rien à côté de sa. pensé essentielle : l'action syndicale ne peut pas se suffire à ellemême.
Une impression que m'a produite son discours me parait utile à mentionner. En écoutant Niel, il me semblait entendre. non pas un homme qui vit l'action syndicale, mais un homme qui est un ' spectateur de ce mouvement et qui ne comprend pas ou comprend mal, qu'à le vivre, à s'y dOlmer de toute son énergie on est Obligé quand on accomplit un acte ou prononce un jugement de faire intervenir dans la formation de ce jugement, et dans l'exécution de cet acte, et la froide raison et la chaude et vivante passion. Les deux éléments peuvent faire bon ménage ensemble. Mais exclure la passion et ne compter que sur la raison de la vertu critique pour édifier une œuvre humaine c'est risquer fort de ne pas construire grand-chose. Aussi la plupart des critiques faites par Niel aux anarchistes qui militent dans les syndicats me paraissent assez mal fondées.
Les anarchistes n'ont certes pas créé le mouvement syndicaliste actuel qui fait la force de la classe ouvrière française, mais ils y ont collaboré dans une part honorable. Et ce n'est pas d'eux que les syndicalistes purs ont à craindre une inlluence déviatrice. Est-il dans nos visées de subordonner le syndicat à une autre action? Non pas. A quoi d'ailleurs chercherions-nous à le subordonner ? Notre ambition et notre espoir c'est de faire donner aux syndicats et aux individualités un maximum d'efforts. De notre énergie, nous ne faisons pas deux parts, une réservée à l'action politique et l'autre à l'action syndicale. Tous nos efforts sont acquis au mouvement syndicaliste que nous voudrions voir progresser et se développer vers une telle puissance que l'action autonome de la classe ouvrière soit largement suffisante pour toutes les 'luttes et que bien des concours douteux puissent être 'remerciés. Le syndicalisme, qui est encore à ses premières années de vie réelle, a ses faiblesses et comporte ses illogismes. Je n'en veux pour exemple, parmi plusieurs, que les subventions acceptées et considérées comme nécessaires trop généralement encore (8).
Il faut accroître l'autonomie des organismes de la classe ouvrière et pour cela il est nécessaire de pouvoir compter sur des dévouements réels. Quelle catégorie d'hommes possède plus de dévouements que le socialisme antiparlementaire ? On n'agit pas en vue. d'utiliser le syndicat pour parvenir à une situation électorale, comme c'est trop souvent à cr~indre pour beaucoup de militants socialistes.' Et, par là, les anarchistes sont dans une meillem'e posture que les socialistes vis-àvis de la classe ouvrière, tellement dupée qu'elle est Obligée à chaque instant de se demander : « Est-ce que c'en est encore un qui veut avoir ma voix? ».
(5) Secrétaire de la Fédération du Livre, leader de la tendance réformiste.
(6) Alors secl'étaire général de la C.G.T.
(7) Niel, leader réformiste, fut quelques mois secrétaire général de la C.G.T. (élu à 1 voix de majorité) aprés la démission de Grlffuelhes et avant
l'élection de Jouhaux. '
(8) Il s'agit des subventions accordées par les municipalités aux Bourses du Travail.

Et c'est ce qui explique la part qu'ont prise les anarchistes à la gestion, tant des syndicats que des organismes centraux, part qui d'ailleurs a été singulièrement exagérée par les adversaires afin d'effrayer les milieux mal renseignés ou indifférents.
La meilleure arme de nos adversaires c'est encore le mensonge et c'est de cette arme surtout que se servent les socialistes du Nord pour combattre le syndicalisme de leur région. Les syndicalistes sont des anarchistes, certeins sont honteux, d'autres cyniques. Ils sont vendus au patronat ou tout prêts à se faire acheter. Ils préconisent le cambriolage comme moyen d'E'xlStence. A moitié fous, ils espèrent faire la révolution demain matin avec une demi-douzaine de bombes. Aujourd'hui, ils se contentent en fait de propagande de préconiser le sabotage, et le sabotage, pour les socialistes du Nord, ce n'est pas autre chose que du verre pilé dans le pain ou des histoires de ce genre, les mêmes à peu près que sortent les patrons.
Renard, au cours de son exposition des raisons qui parlent en faveur de la proposition du Textile, avait indiqué les résultats merveilleux atteints par l'organisation syndicale dans son département. Il avait brandi les 315 syndicats et les 76.000 syndiqués du Nord.
Le camarade Merrheim, qui est, lui aussi, du Nord, où il a milité pendant de nombreuses années, avant d'être appelé à occuper l'un des emplois de secrétaire de l'Union fédérale de la Métallurgie, a sur sa région une opinion différente de celle de Renard. Il a montré au congrès ce que valaient les chiffres apportés par le secrétaire du Textile. Il en a fait éclater le mensonge. Renard avait eu l'assurance de compter, dans son chiffre de syndicats, les syndicats jaunes eux-mêmes. Ils représentaient, eux aussi, selon les lumières guesdistes, la classe ouvrière consciemment organisée pour la lutte et la suppression du patronat.
Que l'on ne croie pas que ces syndicats jaunes ne forment dans le Nord qu'un chiffre infime. Il y en avait environ 110 sur 315 signalés par Renard. Et que l'on ne suppose pas non plus que ces syndicats sont fictifs ou fantômes.
Le Nord est la seule région où les syndicats jaunes possèdent une force réelle, la seule région où ces syndicats trouvent une atmosphère qui ne les étouffe pas. Merrheim en a cité plusieurs qui groupent à Roubaix, à Lille, à Armentières, plusieurs milliers d'adhérents.
N'est-il pas naturel, d'ailleurs, que la jaunisse fleurisse dans un pays où le patron apparaît surtout un adversaire, non pas à l'atelier, mais devant une urne du vote ? Est-ce de quelque importance ce qui se passe à la fabrique, à l'usine, à l'atelier, quand on a le moyen infaillible, si commode et si peu dangereux du bulletin de vote ? C'est presque secondaire et ne vaut pas la peine qu'on se démanche pour l'accomplir. Pas besoin de frotter le dos aux premiers qui sentent la trahison, on peut supporter de travailler coude à coude avec eux.
Renard avait triomphé non moins bruyamment des huit députés socialistes et des 100.000 voix socialistes de son département. Merrheim sur ce point encore, fit pleuvoir quelques chiffres qui touchèrent durement la prétention guesdiste. Il signala la région de Valenciennes qui possède trois députés socialistes ayant obtenu plus de ?5.00~ voix dit,es, socialistes. Cette région compte a peille un mIllIer de syndiqués. 1.000 syndiqués sur 25.000 électeurs socialistes, c'est vraiment dérisoire dans une région industrielle comme celle de Valenciennes, qui comprend des centres importants de métallurgie, de verrerie, tout un bas-
sin houiller populeux sur le dos duquel quelques familles comme Casimir-Perier ont réalisé de scandaleuses fortunes.
Le Nord, présenté en exemple aux délégués des syndicats de France, sort bien dédoré des discussions du congrès d'Amiens. Si la politique socialiste y a fleuri, il devient éclatant, par contre, que les organisations syndicales, qui seules représentent exactement le degré de conscience et de puissance d'une population ouvrière, y sont à l'état inexistant, et cela parce qU'on les a subordonnées à l'action parlementaire socialiste. Elles n'acquerront de la vigueur, là comme ailleurs, que si elles se constituent en dehors du parti socialiste, hors de sa tutelle, hors de sa mainmise. Cette démonstration constitue la critique la plus vigoureuse de la proposition du Textile. C'est ce que sentit tout le congrès.
Aussi restait-il à Griffuelhes, après Merrheim, Broutchoux et Latapie, peu de choses à dire. La plupart des critiques à dresser contre l'idée de tout rapprochement et de tous rapports avec le parti socialiste avaient été exposées ou esquissées.
Il s'attacha spécialement à montrer comment s'était constituée cette force qu'est présentement la Confédération. Relevant le désir exprimé par Keufer de voir s'établir l'unité morale de la clasSe ouvrière, il montra combien cette unité était illusoire. La lutte qui existe au sein des organisations ouvrières d'où provient-elle ? N'est-elle pas due aux tentatives du pouvoir pour établir son influence dans les syndicats ouvriers et les dériver de leur voie ? L'unité morale est-elle possible avec les hommes qui acceptent de se faire les agent.s du gouvernement ? Tant qu'il y aura des hommes dans les syndicats pour faire cette besogne, et rien ne permet de prévoir le jour où il n'yen aura plus, l'unité morale sera chose irréalisable.
Remontant au ministère Millerand, GrUfuelhes rappelait quelques faits significatifs de cette tentative du pouvoir pour engluer et corrompre les militants afin d'étouffer le révolutionnarisme naissant des syndicats. Il citait l'exemple des mineurs et des travailleurs municipaux. Est-ce les anarchistes qui ont divisé ces corporations et non pas le pouvoir qui avait voulu et avait réussi à émasculer ces organisations et à ne les faire agir que lorsqu'il n'y avait aucune gêne pour lui ?
Ce sont ces tentatives du pouvoir qui ont amené les militants révolutionnaires de toutes les écoles' à se resserrer, à former un bloc qui a su répondre comme il convenait aux manœuvres ministérielles, comme il saura répondre demain aux manœuvres de M. Viviani, espérons-le.
Le congrès s'est prononcé. Il a dit très haut qu'il entendait que les syndicats demeurent sur le terrain qui a déjà donné tant de preuves de sa fécondité. Les syndicats et la confédération n'ont pas à se préoccuper, ils doivent ignorer les partis politiques, le parti socialiste comme les autres, parce que si les organes économiques se rapprOChaient du parti socialiste ils se rapprocheraient du gouvernement, ils ouvriraient leurs portes aux préoccupations d'ordre gouvernemental.
La formidable majorité qui s'est rencontrée pour repousser la proposition du Textile ne comprenait pas que des syndicalistes révolutionnaires. Les syndicaux réformistes se sont ralliés à eux. Et cela prouve que c'en est fini, bien fini de toute possibilité et de toute crainte de subordination du mouvement syndical au mouvement politique.
PIerre MONATTE. (Les Temps Nouveaux, novembre 1906).

R. HAGNAUER

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